Bienvenue sur la planète Christophe

[david]

L’interview a lieu au bar de l’hôtel Raphaël, quelque part entre 22 heures et minuit. La dernière d’une journée qui commence pour Daniel Bevilacqua, alias Christophe. Les premières réponses sont murmurées, par respect pour les amoureux qui s’embrassent à deux mètres de nous. Par pudeur aussi. “Les interviews, je me suis pas mal amélioré avec le temps”, dit l’intéressé en décochant un sourire derrière ses lunettes fumées. “Au début, c’était le désert. Quand on arrive, on a 20 ans, on ne comprend pas tout ça… On ne comprend jamais, d’ailleurs.”

Un casting de luxe
Il y a sept ans, l’homme d’“Aline”, le conteur des “Mots bleus”, sortait d’un long silence avec Comm’ si la terre penchait, un disque sensuel, rêveur et furieusement moderne. Quelques concerts plus tard, Christophe réconcilie plusieurs générations d’auditeurs. Et retrouve la place qu’il n’avait jamais tout à fait perdue dans le panthéon de la chanson française. La tournée qui suit lui donne envie de pousser plus loin l’expérience avec Christophe Van Huffel, le guitariste du groupe Tanger. “J’aime tellement son côté original, esthétique. Simple et habité. On a une passion commune pour l’électro rock. Il m’a fait découvrir plein de choses. Je crois qu’entre nous c’est parti pour un bout de temps.” C’est donc ensemble qu’ils ont réalisé Aimer ce que nous sommes, un nouveau disque encore plus aventureux que le précédent, enregistré entre Paris, Londres et Séville. Le jeune écrivain Florian Zeller lui a écrit un texte, “Tonight, tonight”. L’éditeur Daniel Filipacchi, un vieil ami, déclame le générique de fin tandis qu’Isabelle Adjani pose sa voix sur le premier titre, “Wo, wo, wo, wo”. “Je suis allé la voir plusieurs fois au théâtre. Elle a dit oui tout de suite. Je l’ai enregistrée un mois avant la fin de l’album, un soir. Elle était ravie, moi aussi. Elle correspondait à ce que j’avais envie d’entendre.”

Dingue de cinéma
Au cours de l’entretien, Christophe évoque avec une émotion visible les artistes qui l’inspirent. Les cinéastes, en particulier. Il vient de terminer la bande originale du nouveau film d’Emmanuelle Bercot, la réalisatrice de Backstage. Et puis il y a les classiques. Lynch, Fellini, Von Stroheim. En ce moment, il regarde des films asiatiques. Il nous parle de la collection de 35 mm qui l’a tenu un temps à l’écart de la musique. “Je récupérais les copies qui appartenaient aux distributeurs. C’était interdit. Un jour la police est venue chez moi et à mis tout sous scellés. Peut-être un signe.” Un signe que la musique ne pouvait plus attendre. En ce moment, il écoute l’album solo de Thom Yorke. “J’adore, j’adore. Plus que le dernier Radiohead où il n’y a que trois chansons que j’aime. Vous avez entendu le nouveau Sigur Ros ? Il paraît qu’il est terrible.” Christophe se produira le 14 juillet sur le Champ-de- Mars. Ensuite, aucune date n’est bookée, même si l’envie ne manque pas. “Pendant longtemps, je n’ai pas fait de concerts. Parce que j’aime le son. Et sur scène, il n’y a pas toujours le son. Un son pour pouvoir kiffer, quoi. Comme je le sais, je bouge les choses par rapport au disque. Je veux présenter quelque chose d’original. Pourquoi ne pas réunir le casting de l’album et prendre le risque de ne jouer que ces chansons-là ? Pour une fois.” Chiche.