Christophe présente

[david]

Loin d’être l’auteur d’un seul tube, Christophe est un artiste complexe, comme le prouve le coffret 114 chansons.

Tout le monde a crié « Aline ! », pour qu’elle revienne. Cette chanson un peu kitsch, sortie à l’été 1965, a permis à un jeune artiste inconnu de se faire un prénom : Christophe. Et de lancer une carrière imprévisible, faite de mélanges des genres a priori impossible, entre Richard Anthony et Can, C. Jérôme et Suicide. C’est ce parcours sans précédent que résume 114 chansons, un coffret plantureux mais pas intégral : pour acheter ses derniers albums, dont le très beau, Aimer ce que nous sommes, il faudra ressortir sa carte bancaire.






Daniel Bevilacqua (son vrai nom) vient d’Italie, mais il a grandi sous le ciel moins clément de Paris. Dès son enfance, il se passionne pour l’American way of life et ses musiques encore non apprivoisées : le blues obsédant de John Lee Hooker et bien sûr le rock’n’roll des pionniers (Elvis, Gene Vincent...)

Mais, en ce début des années 60, la France n’est pas vraiment la terre promise pour les mélomanes. La vague yéyés déferle et emporte tout sur son passage, et Christophe ne fait rien pour s’en détacher. Après son tube-phénomène, Aline, il végète et livre à intervalles irréguliers quelques titres dans l’air du temps : Excusez-moi, monsieur le professeur, Les Marionnettes, ou plus tard Main dans la main.

Heureusement, il arrive entretemps à glisser plusieurs splendides pépites (The Road to Salina) qui se heurtent à l’indifférence du public, mais qui deviennent cultes pour toute une génération naissante.

Ouverture d’esprit

L’écoute des albums originaux, réédités ici, laisse sans voix. En à peine une demi-heure (durée moyenne de chaque disque), on a l’impression que c’est toute l’histoire de la musique qui défile, sans frontière établie entre le bon et le mauvais goût. Il faut avoir le coeur bien accroché et l’esprit très ouvert pour louvoyer entre un rock mutant où Creedence s’accouple avec Roxy Music (Mama), une symphonie cotonneuse à la Pink Floyd (Le Dernier des Bevilacqua), une décharge électrique hantée par la new-wave (Agitation) et les slows de fin de soirée (Minuit Boul’vard) avec saxophone de rigueur.

Au milieu de tout ça, il y a bien sûr les tubes (Succès fous, Les Mots bleus, Les Paradis perdus, La Dolce vita) qui lui donneront une certaine visibilité médiatique mais qui ne l’empêcheront pas de disparaître totalement des radars à la fin des années 80.

Rideau ? Pas vraiment, car depuis dix ans, Christophe s’est réinventé en icône chic, livrant trois disques en forme d’énigmes, toujours plus ambitieux, difficiles à déchiffrer. Mais c’est une autre histoire...