Christophe (& guest Eric Truffaz)

[david]

Campo Santo, Orléans’Jazz 2010


Rencontre au sommet. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier la présence commune sur une scène de Christophe et du trompettiste Eric Truffaz, plus habitué que le chanteur aux scènes jazzistiques mais aussi connu pour de multiples expériences au-delà du jazz (avec des artistes comme Murcof ou Talvin Singh).



Et l’événement annoncé a bien lieu. A savoir une harmonie parfaite entre Christophe et le trompettiste, permettant de transcender les morceaux - déjà magnifiques - du chanteur, des plus anciens à ceux de son dernier album "Aimer ce que nous sommes". Le temps semble suspendu lors des chansons les plus calmes ("Mal comme", "Comme un interdit", ou encore "Les mots bleus" avec un splendide final inversant les rôles, Truffaz reprenant la mélodie vocale), ce soir d’une beauté proprement incroyable.

Et si le trompettiste a un jeu qu’on pourrait qualifier de "classique" lors de ces titres, il fait aussi preuve d’une formidable liberté sur des chansons plus enlevées, en particulier sur deux des sommets de la prestation : le chaos harmonieux de "Stand 14", le titre du dernier album qui montre le mieux l’admiration de Christophe pour Alan Vega, et le moins connu du grand public "Le petit gars" (datant de 1974), que le chanteur, qui intervient peu entre les morceaux, introduit d’une formule cinglante : " Je suis fier d’être fou du blues. Ce n’est pas donné à tout le monde" ; c’est en effet un blues, à la fois aussi habité que celui originel et moderne, ce soir étiré sur plus de dix minutes tout en tension et dissonance, proprement renversant. Il faut dire qu’avec le chanteur et le trompettiste sont présents sur scène deux autres musiciens exceptionnels, Pascal Charpentier au piano ou aux synthés, et Christophe Van Huffel, membre de Tanger, co-producteur du dernier album de Christophe (ainsi que du prochain), qui, avec (physiquement) ses faux airs de Brian Molko, montre l’étendue de tout ce qu’il possible de faire avec une guitare - et pas seulement électrique : ainsi sur "Señorita" où il joue du... flamenco.


Trois "rappels " (Christophe prévenant qu’il ne va pas faire comme dans un concert classique, mais comme s’il partait et revenait sur scène alors qu’il y reste), dont "Aline" que le public reprend en chœur, et surtout un nouveau moment de magie pure avec "Elle dit elle dit elle dit", en duo avec Truffaz, lui venant au piano. Il y aurait même pu y avoir un quatrième rappel si Ariel Wizman, chargé aux platines de l’after, n’avait pas entamé son set, croyant que le concert était terminé. Dommage pour les 1800 spectateurs présents. En tout cas, une prestation de grande classe, qu’on ne peut pas s’empêcher de rapprocher de celles de Bashung, avec lequel Christophe partage une place de choix dans la chanson française : tout en haut.




par Gilles Ferté