Christophe : « Le hasard est un don et j'essaie de vivre avec ça »

[david]

Place à la note bleue avec la voix émouvante des « Mots bleus ». Christophe, qui répond ici volontiers à nos questions, ouvre mercredi, avec le trompettiste de jazz Erik Truffaz, le XXe Campo Santo d'Orléans' Jazz.


Christophe, l'écriture, la musique, le design, le goût du beau. (Photos : Lucie Bevilacqua)

« Aimer ce que nous sommes » est un merveilleux album. Comment composez-vous ?
Il me faut prendre le temps de travailler un album. Je ne le décide pas, il se fait presque sans moi. C'est le temps qui nous parle de choses qui reviennent à la surface. J'amasse depuis vingt ans des gimmicks. Dans « Aimer ce que nous sommes », certains ont trente ans. Si le physique change, on est toujours jeune. Le mental est le coeur de toute passion. Cette dernière est la même que celle que j'avais à 20 ans. Un album est une histoire musicale, une palette sonore pour laquelle il m'arrive de travailler avec certaines personnes lorsque j'ai besoin d'une inspiration nouvelle. Avec Florian Zeller, par exemple. Pour le prochain que je prépare et qui sortira en septembre, je veux tout simplement qu'il présente une belle différence par rapport aux autres.

Vous êtes aussi en train d'écrire votre autobiographie, et un travail de design est engagé avec la marque Dupont...
C'est un casse-tête, bien plus qu'une autobiographie, une correspondance avec moi-même. Quant à Dupont, je fais toujours des choses qui nourrissent mes envies de musique. Tout cela reflète en fait une grande histoire d'amour de la vie, simple et choisie. Certaines fois, on me demande si je suis heureux, et je réponds que oui, avec tous les maux que cela peut transporter.

Très souvent, vous parlez du son comme moteur de votre art...
C'est le son qui me fait créer. Je me définirais comme un sculpteur de son. J'ai du reste travaillé beaucoup la glaise, où l'on est dans la forme, la cassure, le remodelage, le collage. Je pense que c'est un peu cela la musique. Oui, c'est cela, je suis comme un peintre. Au lieu de faire des formes de couleurs, je suis quelqu'un qui fait des formes d'ondes.

Qu'aimez-vous écouter ?
Camille, Gil Scott Heron, Sade, Wassouf, Youssef, le jazz des Jazz Messengers et de Miles Davis. Je trouve que la musique arabe est la plus belle du monde. Si j'ai commencé par le blues, j'aime bien le jazz chic. Encore une fois, je joue de divers instruments mais je ne connais pas la musique, je ne sais même pas où est le do. Je joue ce qui est sorti de mon inspiration et ne peux rejouer deux fois le même morceau. Je ne sais qu'une chose, c'est que le son transmet l'émotion. L'émotion que je ressens en écoutant Billie Holiday, Charlie Parker, Thomas Enhco, et ce que fait Erik Truffaz. Je n'ai pas de culture, je suis quelqu'un qui marche à la rencontre. Le hasard est un don et j'essaie de vivre avec ça. Ma route se trace par instinct et émotion.

Quelques mots à propos de votre concert à Orléans ?
Je vais y jouer avec Erik Truffaz, j'ose me mettre au piano. Il faudra me prendre comme je suis, avec mes erreurs, car cela fait partie de mon art. J'aime la faille quand elle est magique. Nous sommes dans l'émotion et dans l'espace avec Erik Truffaz qui vient roder sur notre planète. Erik a voulu jouer sur « Petite fille du soleil » alors on y va, sans complexe et comme on le sent. Encore une fois, pour que tout soit bien, il faut qu'il y ait un son. Sans le son, nous ne serions qu'un peintre qui voudrait peindre sans couleurs. Il ne faut pas perdre l'émotionnel. Le son sert à nuancer. L'émotion est la nuance.
Jean-Dominique Burtin