La comète Christophe
Page 1 sur 1
La comète Christophe
Dernier dimanche de février, dehors s'étendent les hangars Michelin, coiffés par un ciel de plomb qui recouvre jusqu'aux cimes des volcans. Dans la loge de Christophe, Johnny Depp pointe son arme de cow-boy halluciné sur une pochette de CD. A côté traînent Come with us des Chemical Brothers, une paire de baskets, plus deux ou trois T. shirts roulés en boule. Plonger dans la bulle Christophe, en pleine torpeur hivernale à Clermont-Ferrand, relève de l'expérience surréaliste. Illuminé génial ou indécrottable ringard, le créateur d'Aline et des Marionnettes navigue à vue, au rythme de sursauts d'adrénaline et de répétitions, jusqu'à l'aube. Avec toujours ce temps de retard qui fait de lui un satellite sur étrange orbite, émettant des signaux à contre-temps.
Mausolée kitsch. «Quand j'ai dit autour de moi que je me lançais dans l'aventure, on m'a pris pour un fou». La veille du premier concert de Christophe depuis vingt-sept ans, Laurent Castagnié, son producteur, semble jouer sa chemise. Le projet, tel qu'il s'est mis en place à l'automne, avec un mois de travail en studio à Paris puis une semaine de répétition en plein Massif central, n'a rien d'une sinécure. Deux semi-remorques de 36 tonnes, une trentaine de personnes mobilisées, dont quinze musiciens, des plasticiens, une chorégraphe, un metteur en scène, une flopée de roadies et... un magicien pour assembler un mausolée kitsch de deux heures, saugrenu et somptueux. D'arrondis guimauve limite Grease aux projections vidéo électrisantes d'autoroutes bordées de palmiers, des Mots bleus à J'aime l'ennui, du profil de l'artiste aux incrustations de tournesols via l'atroce illusionniste déguisé en Christophe statufié, le spectacle ressemble à une usine à gaz poussée à plein régime. Dont la fragilité n'a d'égale que l'élégance et l'absence brummellienne du personnage.
Démesure. Quand n'importe quel autre chanteur aurait, pour son come-back, tout au plus misé sur une formation de quatre ou cinq musiciens, et tandis que les ventes de Comm' si la terre penchait ne décollent pas, le dernier nabab s'offre un bijou à sa démesure, baroque et clinquant: «Au moment de l'album, je ne pensais pas du tout au concert. Maintenant, j'y vais sur la pointe des pieds, à la tête d'une machine gigantesque que je simplifierai avec le temps. Il faut que ce soit un vrai film, à partir de rencontres et d'envies très précises. Mais je pourrais faire tout le contraire, ne reprendre que des titres d'Alan Vega et intituler le concert Christophe chante Suicide.» Chevelure peroxydée tirée en arrière, veste bleu nuit, foulard de milord et bottes de cuir, Christophe est d'une autre époque, tel une brume lynchéenne perdue dans un théâtre de bordure, sur fond de pin-up projetées et de juke-box en négatif.
«D'habitude, lorsqu'un groupe vient répéter, on saisit rapidement ce qu'il compte faire. Ici, on voit mais on ne comprend rien. Il est 23 heures, les musiciens attendent, et Christophe essaie des costumes dans sa loge», glisse Didier Veillault, le directeur de la Coopérative de Mai (la salle clermontoise où il va jouer), alors que le groupe joue mollement une partition de la Route des mots, ce nom donné au spectacle qui sonne comme une métaphore à la Cabrel, avec clap de fin et générique sur grand écran. Au total, plus de vingt airs, puisés dans l'ensemble du répertoire et laissant une grande part aux tubes (Aline, Petite fille du soleil, Senorita, Succès fou...), prompts à contenter les deux générations concernées par le cas Christophe: «La Route des mots vogue de la chanson au théâtre et à la danse. J'ai l'habitude de travailler seul. Là, je plonge dans une cour de récréation. Je suis comme un funambule sur le fil du rasoir. Autour, ça part dans tous les sens.» «Christophe est ingérable, il a mille idées à la seconde, confirme Vincent Boussard, le metteur en scène. Il a fallu créer un spectacle à partir d'éléments très différents. Surtout, générer des atmosphères nouvelles et délaisser l'image figée qu'il renvoie. C'est quelqu'un qui a les yeux grand ouverts et qui, lorsqu'il croise une personne dont il admire le travail, lui dit: "Viens avec moi."»
En novembre, à l'initiative d'un mensuel féminin, le chanteur participe à une interview croisée avec les plasticiens Ange Leccia et Dominique Gonzalez-Foester. Tous deux ont réalisé en 1998 la vidéo Ile de beauté, avec, pour générique, le Tourne-coeur, morceau présent sur l'album Bevilacqua. Christophe les convainc de participer au spectacle. Pour Gonzalez-Foester, qui vient de conclure l'installation le Cosmodrome (Libération du 17 juillet 2001) en collaboration avec le chanteur suédois Jay Jay Johanson, «c'était comme passer dans une dimension parallèle. Il nous a montré beaucoup de films qui l'ont marqué, comme Badlands de Terence Malik. Il a fallu éviter l'illustration, jouer le décalage des images par rapport au sens des chansons. Pour les titres anciens, on s'est abstenus afin de ne pas les surcharger. Ce sont juste des couleurs, du noir au blanc en passant par le parme, le bleu métallique. Pour les chansons plus récentes, nous avons choisi des images dont le sens reste ouvert. Créer un va-et-vient entre la scène, la musique et les vidéos, des climats qui iraient de Hitchcock à Lynch». Un ciel d'orage scintillant d'éclairs illumine Ces petits luxes, des gouttes rouge Ferrari suintent du plafond sur Enzo, des vagues bleu turquoise se dressent derrière Comme un interdit, esquissant les pans de buildings ou d'icebergs infranchissables. «J'aime me sentir étranger à moi-même, précise Christophe. J'ai eu cette sensation avec les musiciens qui m'accompagnent. Ils se connaissaient bien, s'étant tous rencontrés lors de tournées antérieures. J'ai eu alors une image de moi encore plus décalée que ce que je pensais.»
Rideau de tulle. Définitivement isolé du show-biz, le chanteur conduit dans son sillage une armée mexicaine d'instrumentistes survoltés, venus du jazz, du rock ou de la variété. Christophe Van Huffel (guitariste de Tanger), Alice Botté (ex-Jad Wio), le bassiste Didier Batard (compagnon de longue date de Manset), le percussionniste argentin Minino Garay, l'accordéoniste Daniel Mille... Pour chacun, Christophe a saisi les rencontres et motivé les échanges: «Il est à l'écoute, souligne Daniel Mille, en permanence ouvert à toute proposition. Certaines parties du concert sont très réglées, d'autres pas du tout. C'est parfois flou mais très libre.»
Un genou à terre, Christophe détaille les mots d'Elle veut (la Man), séparé du groupe par un rideau de tulle absurde. Spectral, la voix rongée par l'asthme, le chanteur se relève pour traverser la scène, pareil à une ombre bancale. Un musicien l'arrête et lui demande: «Et la fin?» Il répond: «Qui la connaît?» .
Sujets similaires
» Stand 14 Paroles: Christophe, Marie-Pierre Chevalier. Musique: Christophe, Christophe Van Huffel 2008
» Stand 14 (Auteurs : Christophe et Marie Pierre Chevalier/ Compositeur : Christophe et Christophe Van Huffel)
» Interview de ... (Auteurs : Christophe et Marie Pierre Chevalier/ Compositeur : Christophe et Christophe Van Huffel)
» Stand 14 (Auteurs : Christophe et Marie Pierre Chevalier/ Compositeur : Christophe et Christophe Van Huffel)
» La vie, c'est une histoire d'amour Paroles: Yves Desca, Christophe. Musique: Christophe 1973
» Stand 14 (Auteurs : Christophe et Marie Pierre Chevalier/ Compositeur : Christophe et Christophe Van Huffel)
» Interview de ... (Auteurs : Christophe et Marie Pierre Chevalier/ Compositeur : Christophe et Christophe Van Huffel)
» Stand 14 (Auteurs : Christophe et Marie Pierre Chevalier/ Compositeur : Christophe et Christophe Van Huffel)
» La vie, c'est une histoire d'amour Paroles: Yves Desca, Christophe. Musique: Christophe 1973
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Sam 30 Sep - 12:49 par Franki54
» CHRISTOPHE en tournée “Les Vestiges du Chaos Tour” en solo
Mar 19 Sep - 11:45 par david
» Venez suivre votre artiste sur Instagram ( CHRISTOPHE )
Sam 16 Sep - 10:39 par david
» Salle Pleyel 21 & 22 NOVEMBRE 2017
Sam 16 Sep - 10:32 par david
» FNAC: Sortie des rééditions vinyle des albums "Aline", "Olympia" "Les mots bleus" et "Les paradis perdus"
Sam 16 Sep - 10:23 par david
» Sortie le 28 Avril 2017 : « Aimer ce que nous sommes » en pochette collector, 2 vinyles 33trs transparents Édition Limitée
Sam 26 Aoû - 9:34 par david
» FNAC: Sortie des rééditions vinyle des albums "Aline", "Les mots bleus" et "Les paradis perdus"
Sam 26 Aoû - 9:28 par david
» Best of 2006 2 CD originaux remastérisés 24 Bits
Lun 3 Juil - 22:37 par Franki54
» 1989 Aline MOTORS / Distribution POLYGRAM 838 259-4
Mer 10 Mai - 21:29 par Franki54
» Christophe en duo sur le nouvel album de Cascadeur "Collector" !
Ven 10 Mar - 23:01 par Franki54
» Jeux concours gagner un album dédicacé par Christophe ainsi que l’ensemble de ses musiciens
Ven 10 Mar - 22:58 par Franki54
» bien venu chez(moi je
Mer 1 Mar - 8:44 par denise69110
» bonjour daniel
Mer 8 Fév - 8:56 par denise69110
» Christophe au dîner Vanity Fair des 50 Français les plus influents du monde
Sam 10 Déc - 15:13 par david
» Victoires de la Musique 2017
Sam 10 Déc - 14:55 par david
» 15-12-2016 Christophe concert La Rochelle (17) • La Sirène
Jeu 17 Nov - 14:55 par david
» Christophe en concert MONTHEY (SU) • Le Crochetan 22-11-2016
Jeu 17 Nov - 13:53 par david
» "CHRISTOPHE en concert ce soir" LE LIEU UNIQUE, NANTES
Ven 11 Nov - 8:19 par david
» Christophe Concert Vendredi 3 Mars 2017 : Marseille (13) - Le Silo
Lun 7 Nov - 20:40 par david
» Christophe : « Je suis contre les interdits »
Dim 6 Nov - 11:04 par david
» les 45 tours Le site de Fabien support francais
Jeu 3 Nov - 18:04 par david
» les 33 tours Le site de Fabien support francais
Jeu 3 Nov - 17:58 par david
» Les Vestiges du Chaos - Remixes
Mer 2 Nov - 17:25 par david
» Christophe total «chaos»
Sam 29 Oct - 11:40 par david
» Pascal Nègre recevra Christophe, ce samedi 29 octobre, dès 18h
Ven 28 Oct - 20:15 par david