Christophe ne crâne plus
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Christophe ne crâne plus
Photo © ˙·٠•●★ Black Night David Molitor
Après vingt ans d'absence, l'auteur d'Aline revient avec Bevilacqua, album majeur titré du nom de son père, entrepreneur d'origine italienne. Un mélange d'aveux, de souvenirs et de professions de foi au son pur. L'Express a suivi l'artiste en promo
Il ne jure que par l'instant, les virées, le mouvement. Christophe - Aline, Succès fou... - sincère et frimeur, dandy et marlou, abolit huit ans d'absence avec Bevilacqua (Epic), un album époustouflant, inattendu, technologique, littéralement porté aux nues par la critique. «Je me sens d'avant-garde et je n'ai pas peur de le dire», souffle-t-il en survolant l'autoroute Paris-Strasbourg. Parti «à la fraîche», il conduit trop vite une voiture trop belle (le roadster BMW Z 3 de Pierce Brosnan dans Goldeneye). Rétrograde et peste: «Elle a pas de son, cette caisse!» Lance aux pompistes: «Je ferais bien un tour d'Europe en camping-car.» «Z'avez raison: tant qu'on peut échapper au parc d'os [cimetière]...» Il est 2 heures: la nuit s'étire.
Philosophie des insomnies...
A ses côtés, quarante-huit heures de tournée-promo (Strasbourg, puis Nancy) prennent des allures de road movie. Christophe traque les cartes routières, les McDo - deux routiers en signalent un, d'ailleurs imaginaire, à la sortie de Verdun - les gobelets de mauvais café, les conifères hospitaliers. «Quand je confiais à Jean-René: ??J'ai besoin de la nature pour pisser'', glisse-t-il en claquant la portière dans l'intention manifeste de joindre le geste à la parole, il notait.» Jean-René, alias Jean-René Mariani, longtemps proche de Polnareff, a - cinq ans durant et sans le remanier - consigné du Christophe. «Je ne le connaissais pas. Il me téléphone: ??Y en a marre que des mecs comme Jarre [Jean-Michel, néanmoins auteur des impeccables Mots bleus] écrivent pour toi alors que tu t'en tires très bien tout seul.''» Le résultat gît là, derrière chaque relief, chaque dépression de Bevilacqua.
Un disque à la hauteur - et siglé du nom - de son père, disparu il y a deux ans, «mort de ce silence dont il attendait tant». Jacques Bevilacqua, entrepreneur à Juvisy-sur-Orge (Essonne) et premier fan de son fils. Gai, «chaud», altruiste: «Un crâneur Succès fou, mon père, un esthète. Le genre de type qui sort un peigne de sa fouille pour se recoiffer. Moi, j'me coiffe plus. J'ai cessé de crâner.» Christophe porte des ecchymoses, des meurtrissures et des lésions qu'il laisse entrevoir comme par effraction. Il a le biceps arrogant, le portable abusif, la confession - en apparence - mégalomaniaque et lapidaire. On le devine fragile, touchant, à jamais abîmé par le divorce de ses parents - bref, l'exact contraire. Il trimbale des bandes enregistrées où Anna Karina «sait pas quoi faire», où Marie-Jo Simenon divulgue ses angoisses. Le Beau Bizarre résume à sa façon: «Je suis un primaire, mais [Antonin] Artaud me fout le frisson.»
A Strasbourg, semaine mexicaine oblige, le personnel de l'hôtel s'affaire en poncho. De DNA (Dernières Nouvelles d'Alsace) en Top radio, Christophe, lui, fourbit ses mots. Oui, il a pris son temps. Non, ce n'est pas par caprice. Il a quitté Motor-Dreyfus, son ancienne maison de disques. Ajusté chaque chanson - il y en a 13, son chiffre fétiche - au millimètre près. Cherché, avec une intégrité minutieuse dans ses synthétiseurs, le son parfait. Oui, il a refusé l'argile des idées faciles. Eu les «couilles» d'aller au bout. Mis «des effets à sa voix». Enregistré les craquements du vinyle, bruité des sons, mixé de vieilles confessions. Il a écouté des groupes techno comme The Orb ou Leftfield. Et trouvé sa différence. Bevilacqua - terreau de ses lubies, de ses tentatives, de ses préférences - aligne donc un générique fascinant où se télescopent fantômes et voix: Enzo Ferrari, Monica Vitti, John Lee Hooker, Alain Bashung, Brigitte Bardot, Johnny Hallyday, le Velvet Underground et l'ex-leader de Suicide, son dieu, Alan Vega. Car il a plutôt bon goût, le dernier des Bevilacqua.
Christophe y passe aux aveux, répertorie des arnaques dont il fut l'objet (Label obscur), des poussières de souvenirs (Parfums d'histoire), des professions de foi (Je cherche toujours). Où les revers de son smoking blanc cassé traînent-ils? Où sa mémoire en ruine se cache-t-elle (cf. La Dolce Vita)? «Ici, répond-il. Cet album porte mes marques. Les mélodies y restent christophiennes.» Et, dédommageant d'emblée toute curiosité: «Les neuf minutes d'Enzo pourraient figurer sur Les Mots bleus. Label obscur sur Le Beau Bizarre, Taqua sur Les Paradis perdus...» Quoi encore? «Si on se barrait?» A 30 kilomètres de Nancy, un panneau troue la monotonie de la forêt: «Dieuze, 13». Il jubile: «13!» Et frémit: «Dieuze...»
Détour. C'est là qu'il a fait son service, versé d'office dans les parachutistes. «Bataillon disciplinaire. Ça ne m'a pas discipliné.» Il déserte et échoue au Val-de-Grâce, où, pendant deux mois, il se forme des cloques sur la poitrine, du bout d'une cigarette même pas anglaise.
Nancy, son bar en acajou et ses tentures cosy. Christophe commande un whisky sour «mais pas trop sour». Evoque la scène à venir (le Vietnam, la Grèce, puis la France, où personne ne l'a vu en concert depuis vingt ans), le live à enregistrer, le livre qu'il répugne à écrire: «Jean-René y tenait. Tout le show-biz en sort. Attendez que je sois mort.» Il a 50 ans, qui lui vont bien. Mais s'inquiète des dix prochains: «A 60, on court plus lentement. On ne rattrape pas les balles de la même façon. On nage moins vite si on n'a pas les palmes...» Il n'a jamais voté. Il ne sait pas se regarder (à la télé, il fait couper le récepteur de contrôle). Il ne veut pas s'entendre (à la radio, il oublie jusqu'à l'existence du casque). Il dissimule son regard nerveux derrière des lunettes fumées. Rêve d'entrer dans une laverie automatique. Pratique le poker quand les parties sont intéressées. Flambeur, claqueur, routard, oiseau de nuit... Il arrive parfois que Christophe dorme. Le jour, par terre, au pied des lits.
>à savoir
5 dates clefs jalonnent les trente et un ans de carrière de Daniel Bevilacqua, dit Christophe.
1965: Aline. 1972: Les Paradis perdus.
1974: Les Mots bleus.
1978: Le Beau Bizarre.
1983: Succès fou.
Ajoutons que Dominique A a repris Chiqué, chiqué. Et Bashung, Les Mots bleus. Une version que le chanteur fait mieux qu'accepter: «Quand j'entends Alain, je ne suis pas si sûr d'avoir réussi la mienne», dit-il.
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