Au Manège, le juke-box de Christophe

[david]

Lunettes fumées, chevelure dorée. Christophe traverse le temps avec la même allure distinguée. A l'image d'une musique née au temps des yéyé et aujourd'hui nourrie à l'électro.

Vendredi soir, le crooner romantique a posé ses santiags sur le plancher du Manège plein comme un oeuf. Il est apparu sur les notes d'un saxo moite. Il a glissé, comme un clin d'oeil involontaire à Bashung : « La nuit, je mens. »

Entre les deux artistes, cette même faculté à aimanter le public, suspendu à cette voix métallique, envoûté par des mélodies charnelles, des ambiances sonores. Celles de Christophe évoquent l'électricité nocturne, faite de talons aiguilles, de portiers de nuit et de whisky fumé. Ce sont ces instants où la vie s'accélère, où les sentiments s'exacerbent.

Synthés, piano, cordes, guitare... A l'image du juke-boxe qui domine la scène, Christophe passe du rock de l'électro à la chanson. Cet univers complexe et élégant, c'est celui d'Aimer ce que nous sommes, son dernier album, qui éclaire la première partie du spectacle. La deuxième rappelle qu'il s'agit, aussi, de l'interprète des Marionnettes, des Mots bleus et d'Aline, dont les premiers accords déclenchent les applaudissements.

La guitare de Christophe Van Huffel leur évite les rides du temps. Christophe fait le lien. Car ce qu'il y a de commun entre la pop légère de Tonight, Tonight, l'hypnotique Tandis que et la romance yéyé Aline, c'est la prise de risque constante d'un artiste qui se met à nu. Comme quoi, la sincérité est parfois plus éclatante chez un noctambule drapé de cuir que chez un oiseau de jour en chemise vichy.


Jean-Marcel BOUDARD