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Message  david Ven 11 Juin - 8:48

Christophe fait son cinéma Doc213

Avec son dixième album, Aimer ce que nous sommes, qui sort lundi, l'inoxydable Christophe, de retour à 63 ans, invite une nouvelle fois le public dans l'univers torturé qu'il s'est construit tout au long de quarante ans de carrière. Subtil mélange des genres et des sonorités, cet album est qualifié de "cinématographique" par son auteur, que le JDD a rencontré.

On le retrouve au bar de l'Hôtel Raphaël. Il est 21 heures, mercredi dernier, et Christophe débute sa journée promo. L'oiseau de nuit signe son retour sous les feux de l'actualité avec un nouveau disque, Aimer ce que nous sommes. Son dixième album en quarante ans de carrière. Enregistré entre l'Île de Rey, Paris, Londres et Séville, ce nouvel opus "cinématographique", dixit l'intéressé, nous plonge dans l'univers élégant, barré et labyrinthique de Daniel Bevilacqua. Treize chansons gorgées de références littéraires (Antonin Artaud), cinéphiliques (Portier de Nuit) avec des invités de passage - Isabelle Adjani, Sarah Forestier, Florien Zeller, (co-auteur de deux textes), sans oublier les corbeaux du boulevard Montparnasse dont les croassements matinaux habillent la chanson Mal comme. Fidèle à sa fascination pour le "Beau bizarre", Christophe livre un ovni musical à la beauté radicale et au romantisme assumé, entre rock dru, effluves sucrées des sixties, arômes andalous, blues crépusculaire, nappes électroniques et pop symphonique. Rencontre nocturne?

Vous vous êtes réveillé à quelle heure aujourd'hui?

18 heures. La veille on a terminé les interviewes tôt, à 6h30 du matin. Ces derniers temps, j'étais légèrement revenu à un truc normal, réveil à 15H30. Et là je me suis déréglé avec la promo. Me lever à 18 heures, je n'aime pas. A 15h30, on est encore dans la vie. Même si je vis beaucoup la nuit. C'est ma bulle, un beau décor? Comme je le dis: "La nuit les portes ne sont jamais fermées à clef".

Quand vous bossez sur un album, c'est 24h sur 24h sept jours sur sept?

Je ne bosse pas sur un album. Je fais de la musique, tous les jours. J'ai de la matière pour mon prochain album. Les albums ne sont pas prévus, ils sont même imprévus. C'est comme faire l'amour, faire l'amour? Et puis à un moment, un embryon passe et donne naissance à un enfant. C'est un peu ça, en fait! Un enfant, ce n'est pas toujours une commande à l'avance. C'est souvent un exploit de tendresse illimité.

L'album se termine par un générique lu par Daniel Filipacchi? Vous envisagez vos disques comme un long métrage?

Je préfère parler d'une succession de courts-métrages. Je n'enchaîne pas. J'aime que les choses marchent, s'emboîtent. J'ai plein d'images dans mes chansons, des histoires vécues et des rencontres, des fantasmes et des fictions. Mais la dimension autobiographique domine.

"Je me suis fracassé avec Trintignant"

Avec Stand 14, vous revenez sur votre passion pour la course automobile?

Ah oui? 1968, je gagne à Magny-Cours. Je pilotais une Porsche 911 S, groupe 5, c'est-à-dire préparée, poussée. J'avais ça dans la peau. J'en ai fait trois dans ma vie, des compétitions. Une fois, je me suis fracassé avec Trintignant. J'ai voulu le prendre dans un virage. Résultat, on a volé tous les deux pour finir au milieu du terre-plein. Ah, il n'était pas copain avec moi du tout. Il m'en a voulu.

Et pourquoi vous refusez de passez votre permis confisqué en 2000 pour avoir roulé à 240 km/h?

Au moins, je ne fréquente plus la police. C'est quand même une merveille. Mais je ne vais pas faire amende honorable ou faire des promesses intenables: "Ah non, je ne recommencerai plus, promis?". On n'est pas plus dangereux à 240? Quand il n'y a rien devant, quand il n'y a plus que les phares, on ouvre et on fonce.

Autre passion contrariée, celle pour les bobines de films?

J'ai longtemps été un fétichiste de la pelloche 35 mm? J'en avais au moins 300. Une passion illégale. Un jour, la police a débarqué pour saisir ma collection. N'empêche j'ai dépanné Fellini de passage à Paris qui cherchait en vain une bobine en VO de La Strada pour une projection à Paris. A la cinémathèque ils ne l'avaient qu'en VF, ça craint non? Et moi, j'étais le seul à posséder une version en VO. Donc je luis avais gracieusement prêtée.

Sur votre album, la voix, n'est jamais mise en avant, elle se fond dans la musique?

J'ai souvent dit: "je ne suis pas un chanteur". C'est vrai, dans le sens où je ne mets pas ma voix en avant comme un chanteur. La voix est un instrument parmi d'autres instruments dans un morceau. Je laisse même du "yop", du "yaourt". J'en ai laissé. Ça ne me gêne pas. Le "Yop", c'est une expression, quelque chose qui sort, qui ne veut rien dire, mais elle peut toucher, exprimer une émotion. Je ne suis pas bilingue, mais j'ai écouté du blues toute ma vie sans comprendre un seul mot.

"C'est bien de pouvoir fermer sa gueule"

Comment vous définiriez cet album?

Un album du voyage et de la nuit. On a toujours travaillé la nuit, sauf pour l'enregistrement des cordes au Studio Olympic, à Londres, avec l'ingénieur du son de Björk qui avait enregistré les cordes de son album Homogenic. Fallait être d'attaque à 14 heures.

Le rythme de travail a dû mieux vous convenir en Andalousie dans le studio du mythique chanteur flamenco El Camaron?

Ah oui, on était en phase. Déjeuner à 16 heures, studio à 20 heures et puis en voiture jusqu'à sept heures et demi du mat. Un grand moment. On a fait ça pendant un mois. Bon, ce qui est un peu chiant, c'est au niveau de la "translation" ("traduction", en anglais, ndlr). Mais c'est bien de pouvoir fermer sa gueule, de garder le silence et d'avoir le regard sur les autres, tellement il vaut le coup.

On compte de nombreux invités?

Je me suis dit: "Ouais, je suis arrivé à un âge avancé. Je vais essayer de rencontrer les gens que j'ai aimés: les gitans, Carmine Appice, le batteur des Vanilla Fudge que j'ai écouté comme un fou des nuits entières, rue Saint-André des Arts, en 70. Sans oublier la chanteuse des Buggles, Sarah Forestier? Le seul à manquer,

c'est Alan Vega (chanteur du groupe Suicide, ndlr)?

Sans oublier les corbeaux du boulevard Montparnasse?

Oui, on peut les entendre croasser sur la chanson Mal Comme. Ils passent tous les matins. Je les ai enregistrés à l'aube. Ils sont invités sur l'album, au même titre que tous les autres.

Dans la chanson Interview, vous vous amusez de votre image d'artiste opaque et intello? Un malentendu?

On me voit comme ça, moi? Pourtant, je suis tout sauf un cérébral, plutôt un instinctif. Ma culture vient du blues? Dans la vie, j'aime les gens qui me font rigoler. Je suis un comique romantique. Après, il existe toujours une part d'intellect.

"Adulte, je ne sais pas ce que ça veut dire"

Vous dites: "Je suis ce que je cherche et quand je trouve, je fais".

C'est simple, non? Ma vie passe toujours par la musique. Au réveil, je suis attiré par mon piano, le son m'attire. Je suis encore passionné, comme à mes quinze ans.

Vous chantez, "Le flirt, c'est un truc terrible". A 63 printemps, c'est toujours d'actualité?

C'est la vie. Ça peut sonner ado, moi des adultes, je n'en n'ai jamais rencontré. Adulte, je ne sais pas ce que ça veut dire. C'est un mot qui ne résonne pas du tout chez moi.

Après votre courte apparition dans Quand j'étais chanteur, vous n'avez pas envie de poursuivre comme acteur?

J'ai adoré. On me voyait à peine, j'étais juste un regard dans la glace, c'était très facile à jouer. Mais aller plus loin, non. Catherine Deneuve m'a proposée de jouer son compagnon dans son prochain film. Mais je n'ai pas beaucoup de mémoire, au cinéma, il faut parfaitement connaître ses dialogues et ceux des autres. Je ne vais quand même pas lire les dialogues sur un prompteur.

"Le temps passe tellement vite"

Tourner aux côtés de Catherine Deneuve, c'est une motivation pour travailler sa mémoire?

Tourner avec Catherine Deneuve, ça donne envie. Je suis trop timide pour faire l'acteur. Mais bon, si elle me faisait le professeur...

Vous allez reprendre la scène?

Je suis soulagé de voir mon album sortir, maintenant je gamberge les histoires de mise en scène. La dimension de cet album voudrait que tous les musiciens de l'album soient présent au concert. Comme tout est possible, pourquoi pas? La scène, j'y ai regouté en 2001 après vingt sept ans d'absence? Je ne vais pas refaire la même. En plus aujourd'hui, pour un artiste, la seule façon de gagner un peu d'argent, ce sont les concerts? Cela tombe bien, j'adore partir en tournée, les concerts dans toute la France, Belgique, Suisse, c'est le voyage, le cirque, le chapiteau, de ville en ville.

La fuite du temps, ça vous taraude?

Avant je disais toujours: "Le temps n'a pas d'importance." Mais le temps passe tellement vite. Aujourd'hui, je commence à mesurer sa valeur. La route était longue, elle s'est raccourcie. Oh, je n'y pense pas tous les jours. Mais quand on vit des moments comme maintenant, on a envie que ça dure éternellement. Celui qui dit le contraire, bah, hein, il est un peu menteur.[/center]
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